LA PLUS BELLE FILLE DU MONDE…
Conte ?
Je vais donc vous conter l’histoire de Malinda, la petite fille la plus généreuse que j’aie jamais rencontré.
Elle venait de loin, d’un pays au-delà des mers ; elle avait connu des jours très difficiles, elle n’avait pas eu à manger à sa faim, elle avait été battue par les grandes personnes, et ne savait pas ce qu’était le câlin d’une maman.
Alors dans sa petite tête de petite fille, Malinda s’était promis qu’elle ne deviendrait pas comme ça, comme ces gens qui prennent aux autres le peu qu’ils ont, mais qu’elle donnerait à tous ce qu’elle aurait de mieux ; elle avait un jour entendu quelqu’un dire en riant (et s’il riait, c’est qu’il était heureux, non ?) « la plus belle fille du monde ne peut offrir que ce qu’elle a ! » ; elle avait eu alors très envie d’être la plus belle !
Celui qui lui servait de père lui avait crié dans un jour de colère, (mais au moins ce jour-là il lui avait parlé ! ) « tu ne sais donner que des soucis ! ». Malinda avait découvert là sa richesse ; elle avait donc vraiment quelque chose à donner !
Et elle lui en donnait à profusion.
Chaque fois qu’au lieu d’aller à l’école elle préférait aller se promener le long de la rivière, il lui disait quand elle rentrait le soir « Que de soucis tu me donnes ! », et il se mettait en colère ; mais elle était contente car elle lui avait donné de ces soucis qu’elle donnait si bien !
Chaque fois qu’il lui demandait de faire la vaisselle, et qu’elle cassait quelques assiettes, il se tordait les mains et lui donnait quelques taloches en criant « comment fais-tu pour me donner tant de soucis ! » Et elle était encore plus heureuse ; elle était sûre de devenir un jour la plus belle fille du monde !
Malinda partit un matin pour ne plus revenir de cette maison où elle avait donné ce qu’elle avait de mieux, mais où elle en avait assez de n’être remerciée que par des gifles. Bien sûr, il les lui donnait ; il aurait pu les lui vendre ! Mais quand même cela finissait par faire mal, et elle n’aimait pas qu’on lui donne des choses qui font mal, alors qu’elle donnait ce qu’elle savait faire de mieux, des soucis, des beaux soucis, des bons gros soucis à vous empêcher de dormir tant on était énervés de les avoir reçus, comme on est énervés quand on attend les cadeaux à Noël.
Après quelques jours de marche, elle fut arrêtée par les gendarmes ;
« D’où viens-tu,
comment t’appelles-tu,
où vas-tu ? »
lui demandèrent-ils.
« Je ne sais pas où je vais,
je ne veux pas retourner d’où je viens,
et je n’ai jamais entendu mon nom ! »
répondit-elle.
« Eh bien, nous allons avoir des soucis ! » s’exclamèrent les gendarmes.
« Ce n’est pas grave ! leur dit la petite fille, je vous les donne, j’aime beaucoup donner des soucis car ainsi je serai la plus belle ! »
Les gendarmes ne comprenaient rien à ce qu’elle leur disait là ; comment pouvait-elle être si heureuse de donner des soucis ? Ils ne pouvaient pas comprendre ! Ils ne pouvaient pas savoir que la plus belle fille du monde …
Elle savait donner des soucis, elle n’avait même pas besoin de forcer, elle les trouvait comme ça, sans aucun mal, et elle était tellement heureuse de les donner ! Non vraiment, ils ne pouvaient pas comprendre !
Les gendarmes appelèrent une assistante sociale qui lui demanda :
« D’où viens-tu,
comment t’appelles-tu,
à quelle école vas-tu ? »
« Je ne sais pas où je vais,
on m’appelle Malinda,
et je veux bien aller à l’école. »
répondit-elle.
Alors l’assistante sociale soupira : « Pauvre petite ; encore une qui va nous donner bien du souci ! »
« Dis madame, c’est vrai que je te donne du souci ? » demanda la petite fille en souriant !
Et l’assistante sociale ne voyait vraiment pas ce qu’il y avait de drôle à lui donner du souci ! Elle ne pouvait pas comprendre que Malinda était sûre d’être un jour la plus belle fille du monde, puisque même sans l’avoir voulu, sans même y avoir pensé, elle avait donné du souci à une assistante sociale !
L’assistante sociale l’emmena dans un foyer où vivaient plein d’enfants qui ne savaient pas non plus où ils allaient.
Malinda fut accueillie par des éducateurs qui lui dirent avec un grand sourire :
« Bienvenue chez nous ; tu vas pouvoir grandir, apprendre plein de choses ! Et puis ne sois pas inquiète ; quoi que tu fasses, tu n’arriveras jamais à nous donner des soucis ! »
Alors là, elle commença à les regarder de travers ; qui étaient donc ces adultes qui lui parlaient comme des parents et qui voulaient l’empêcher de devenir la plus belle ! Pas question de se laisser faire ; contents ou pas, elle arriverait bien à leur donner des soucis ! Et rien que d’y penser elle retrouva son sourire.
Ils voulaient la faire manger,
mais elle disait qu’elle n’aimait pas ça !
Ils voulaient qu’elle aille se laver,
mais elle disait qu’elle n’était pas sale !
Ils voulaient qu’elle aille se coucher,
mais elle disait qu’elle n’avait pas sommeil !
Ils voulaient qu’elle aille à l’école,
mais elle disait qu’elle ne savait pas lire,
et elle allait se promener le long de la rivière !
Ce qu’elle espérait arriva enfin ; le directeur la fit venir dans son bureau, entre deux éducateurs. Il la regardait d’un air sévère ; il lui dit :
« Mais qui es-tu,
d’où viens-tu,
que vas-tu faire de ta vie ? »
Elle lui répondit sans sourire car elle était triste qu’ils ne veuillent pas qu’elle leur donne des soucis :
« Je n’ai jamais entendu mon nom,
mais les autres m’appellent Malinda,
je ne veux pas retourner d’où je viens,
et je veux être la plus belle fille du monde »
Il la regarda curieusement, et lui dit :
« Mais que peux-tu donner pour cela ?
Tu ne nous donnes pour le moment
que des soucis ! »
Elle éclata d’un grand rire de bonheur et lui sauta au cou ! Elle avait réussi, elle leur avait donné ce qu’elle savait si bien donner, et il s’en était aperçu, et il avait accepté qu’elle lui donne des soucis !
Alors elle se mit à manger, à se laver,
à se coucher, à aller à l’école
et à apprendre plein de choses !
Les éducateurs ne comprenaient pas bien cette petite fille curieuse qui avait explosé de bonheur quand elle avait su qu’elle leur donnait des soucis !
Et son bonheur était tellement visible ! et à chaque fois qu’ils lui disaient :
« il y a quelque chose d’étrange chez toi,
qui nous donne un peu de souci… »
elle faisait des cabrioles, riait, les embrassait, et s’installait devant son miroir pour se recoiffer, et regarder si son image était celle de la plus belle fille du monde.
Elle grandit.
De temps en temps elle allait sans rien dire se promener au bord de la rivière.
Et les éducateurs lui disaient :
« Tu grandis bien, tu sais beaucoup de choses, mais tes promenades sans prévenir au bord de la rivière nous donnent encore du souci ! »
Et Malinda riait, et elle était heureuse, et ils ne comprenaient rien !
***
Si c’est un conte,
imaginons lui alors une fin heureuse,
style Prince Charmant.
***
Et puis un jour, au lycée car elle avait beaucoup grandi et appris beaucoup de choses, un garçon qui la regardait souvent, s’approcha d’elle doucement, et lui dit :
- « Tu sais que tu me donnes du souci ? »
Malinda lui fit son plus beau sourire ; comment avait-elle pu lui donner du souci, elle ne le connaissait même pas !
« Oui, et j’aime bien le souci que tu me donnes, car il me rend amoureux de toi ! Tu es tellement belle ! Malinda, tu es la plus belle du monde ! »
Elle crut qu’elle allait s’envoler ; elle avait réussi ! Elle s’approcha tout près de lui, et lui dit en le regardant tendrement :
« Pour devenir la plus belle,
j’ai donné des soucis à tout le monde, même à ceux qui n’en voulaient pas !
Et tu es le premier à me reconnaître !
Désormais je ne donnerai plus de soucis
à personne ;
je les garderai tous pour toi tout seul ! »
Il lui répondit :
« Je veux bien, mais à une condition,
c’est que nous les partagions. »
Vécurent-ils heureux… ?
***
Une autre fin m’a été proposée par une jeune fille de 12 ans qui s’était « reconnue » dans cette histoire :
« Un jour elle partit pour la rivière. Alors les éducateurs la cherchèrent partout dans la ville où était son foyer ; ils la trouvèrent dans le fin fonds de la cambrousse, et un miracle se passa : des parents vinrent la chercher et lui dirent
« Tu es la plus belle petite fille du monde ».
Alors elle comprit que grâce à ses soucis, elle était la plus belle à leurs yeux ; elle leur promit de les garder tous pour eux, et elle n’en donna plus jamais aux éducateurs. »
***
Et s’il ne s’agissait pas d’un conte ?
Et si je connaissais vraiment
« cette » petite fille, celle-là ou une autre
car elle est multiple ?
et la fin, la vraie, reste à vivre…
Il est des courriers qui font plaisir, qui rassurent, qui flattent l'ego... Je vous en offre un aujourd'hui.
« En attendant... monde » reparaît enfin ce 6 NOVEMBRE 2009 pour publier la nouvelle qui a remporté le concours, cette année sur le thème « Avancer »
Deux textes étant arrivés ex aequo, il a fallu les départager et la préférence a finalement été donnée à celui qui présentait, selon le jury, un balancement dans l'écriture et une juste vision, même si le début est un peu long.
LA PLUS BELLE FILLE DU MONDE…
par Michel Lebonnois
Voilà ! Je ne me souvenais plus que j'avais participé ! Donc vous pouvez relire cette belle histoire et prendre aussi connaissance du "chapeau d'introduction" (un peu long...) que j'y avais ajouté pour la circonstance.
" J'aime voyager, dans le monde réel ou dans le monde des rêves. Le monde réel est plein de beautés, de surprises, de sources d'émerveillement, mais aussi de souffrances, de violence, de misères.
J'aime porter mon regard sur la vie, la vraie vie, pas celle que nous diffusent les médias manipulés, pas celle que croient maîtriser, modeler, contraindre les pouvoirs politiques. Non. Aller auprès des gens simples, qui rêvent de prendre en main leur chemin de Terre en dépit des traquenards tendus par les possédants avides de s'approprier le moindre grain d'or, d'entasser leurs richesses arrachées aux échines harassées des pauvres…
J'aime traîner, en réalité ou en rêve car le monde est si grand quand on veut s'y plonger, j'aime traîner donc dans les ruelles des humbles villages chinois où je croise un paysan avec son buffle docile. Docile est le buffle sous la baguette de son maître, docile est le maître sous la férule du Pouvoir…
J'aime m'évader dans les favelas de Rio où des femmes au teint mat chantent, les pieds dans la misère.
J'aime flâner dans les rues rectilignes de San Francisco où des hommes dépenaillés poussent leur chariot rempli de canettes vides et de vieux papiers qu'ils échangeront contre quelques cents pour survivre encore une journée sous les lumières de la ville.
J'aime courir la steppe africaine et m'arrêter au pied d'un baobab au centre d'un village de huttes pour palabrer avec les hommes qui regardent leurs femmes porter l'eau, gratter le sol, piler le sorgho pour le repas du soir; quels mots peuvent-ils entendre pour secouer leurs certitudes millénaires que la vie doit aller ainsi, avec des maîtres et des esclaves.
Mais je n'aime pas mon silence quand les mots refusent de sortir pour défendre mes convictions, quand le doute prend le dessus tant la masse est lourde à porter. Atlas
ridicule écrasé par le monde…
Je n'aime pas quand je suis contraint au rôle de spectateur impuissant des turpitudes des pays nantis marchands d'armes, jouisseurs de mort.
Et pourtant! C'est là, dans ces ruelles, dans ces favellas, dans ces huttes de terre, que naissent les plus beaux rêves de vie, les chants d'amour, les paroles d'espoir en un ailleurs ouvert à la plus humble étincelle d'Humanité. "
Il est temps de vous dévoiler tous les détails de ce que je prépare pour le samedi 5 décembre. Je ne suis plus tout seul puisque j'ai reçu l'aide de trois associations : AGORA, MAGENE, et l'atelier "La Passerelle" sans oublier un solide coup de main de "La langue fourchue du Papillon" pour l'animation de l'après-midi.
Pourquoi cette formule, après mes rencontres "intimistes" des saisons antérieures ?
Cela fait déjà plusieurs fois que tel ou tel, auteur ou lecteur, d’ici ou d'ailleurs, me fait part de son étonnement qu'il n'y ait « aucun évènement littéraire à Cherbourg ». Je réponds que les dédicaces d’auteurs chez les libraires du Cotentin sont fréquentes, qu'il y a déjà plusieurs Salons régionaux réputés – Les Pieux, Saint Vaast la Hougue, Valognes, maintenant Beaumont-Hague – pour ne citer que les plus proches, et qu'il pourrait être dommageable de les multiplier. D’autant que Cherbourg a sa spécificité avec le Festival du Livre pour Enfants.
Mais à force de semer, les graines finissent par germer.
J’ai donc proposé aux auteurs – natifs ou domiciliés - du Cotentin que nous nous retrouvions dans la ligne de mes "Rencontres Autour d'un Verre", c'est à dire de façon beaucoup plus informelle qu'un Salon, pour faire plus ample connaissance, car les « Salons » où nous nous rencontrons parfois sont loin d’être des endroits « où l’on cause » entre nous, trop sollicités que nous sommes par un public avide et bienvenu...
Cette invitation ne s’appuie sur aucun budget, et ne peut donc concerner que des auteurs locaux « pur jus », mais peut intéresser le public cotentinois - pas vraiment chauvin, mais p'têt un peu quand même...
Une telle formule est entièrement bénévole, même de la part du « Café du Théâtre » qui nous accueille avec infiniment de gentillesse. Chacun, tant auteurs que public, est invité à passer au bar remplir son verre avec la boisson de son choix et à rejoindre ainsi le Grand Salon du deuxième étage pour y rencontrer les auteurs, ou la Salle de Réunions où seront proposés des extraits théâtraux et des lectures.
Les genres littéraires représentés sont étonnamment divers : romans (d’aventure, d’atmosphère ou intimistes), poésie, théâtre, études historiques, essais psychologiques, Bande Dessinée, Documentaires régionaux, Romans Policiers, Chroniques de nos villages, sans oublier la littérature enfantine… J’ai répertorié plus de cinquante auteurs cotentinois, et je m’excuse auprès de ceux encore nombreux que je ne connais pas . Trente seront présents, qui vont donc partager un moment "autour d'un verre" entre eux et avec tous ceux qui passeront les voir.
Il se dit que le Cotentin est une terre privilégiée pour les peintres. La littérature s’y porte plutôt bien aussi. Il n’est que de voir le nombre « d’ateliers d’écriture » qui fleurissent un peu partout. Nous avons du plaisir à écrire, et encore plus à être lus.
Cette « Méga-Rencontre », organisée en partenariat avec l’Association AGORA de Cherbourg-Octeville et la participation de l’Association « Magène » est une Porte Ouverte sur la Littérature en Cotentin, qu’il ne faut pas hésiter à franchir. Noter enfin l’expositon de dessins et peintures de l’Atelier « La Passerelle » de l’ACAIS, qu’anime Romuald Reutimann.