Les Vieux dangers
Publié le 09/03/2007 à 12:00 par cahierscotentin
LES VIEUX DANGERS
CONTE
1 - Florent a cinq ans, l’âge où l’esprit s’éveille, où l’imaginaire précède la connaissance.
Il habite loin de la côte normande, loin des vagues et du vent sur les plages de sable où il aime courir. Au cœur de la ville, à flanc de colline, derrière la vieille maison familiale, il a découvert doucement le jardin de ses grands-parents, au rythme des vacances.
Avant qu’il ne sache marcher, il n’en voyait de son parc ou de sa chaise que les premiers brins de pelouse. Et puis il a commencé à se déplacer, pas bien loin, sans quitter le regard de maman, la voix de papa, juste pour le plaisir de sentir les brins d’herbe lui chatouiller les pieds.
Un jour il a su monter les quelques marches qui donnent accès à la grande pelouse plantée d’arbres : un sapin, un cerisier, un palmier, des rhododendrons, au fond de laquelle il devine les premières marches d’un autre escalier caché derrière un saule pleureur. Cela fait plusieurs fois déjà qu’il s’est arrêté longuement près des rosiers, n’osant pas franchir le rideau des frêles branchages qui descendent jusqu’au sol, voile épais frissonnant au vent.
Ce matin de juillet, Florent a pris son petit déjeuner dans la véranda chauffée par le beau soleil de ce début d’été. Le bol suspendu au-dessus de la table entre ses deux mains, il semble absorbé dans ses pensées, le regard perdu vers le fond du jardin. A peine fini de boire son chocolat, il passe chaussures et pull et se précipite sur la terrasse où ses jouets l’attendent.
Parents et grands-parents ne s’en préoccupent pas ; le jardin bien enclos ne présente aucun danger, il peut s’adonner à ses jeux.
Publié le 23/03/2007 à 12:00 par cahierscotentin
3 - Tout à coup un matou blanc apparaît sur le toit de l’abri de jardin de la voisine ; d’un bond Guizmo se précipite et les deux chats disparaissent derrière la clôture. Florent se retrouve seul ; il appelle son compagnon mais n’obtient aucune réponse.
Le soleil tape fort maintenant ; encore quelques marches à monter pour atteindre l’ombre d’un arbre aux larges feuilles sous lesquelles pendent des fruits étranges. Il n’a encore jamais vu de figuier. Il avance un peu dans cette douce fraîcheur et se heurte à un mur dont il ne voit pas le haut ! Il a atteint le fond du jardin.
Il longe le mur, sort de l’ombre du figuier ; de là, tout là-bas très loin par-dessus les toits qu’il domine, il aperçoit la mer où il aime tant tremper ses pieds.
Dans les arbres des oiseaux chantent, une pie noire et blanche vient se poser dans un pommier en poussant un cri rauque. Haut dans le ciel, des goélands s’interpellent bruyamment.
Soudain, le chien des voisins se dresse sur le mur et pousse un aboiement en apercevant le garçonnet qui sent la peur le prendre, une larme perle au coin de son œil.
Heureusement, le chat Guizmo sort juste à ce moment de sous un buisson ; il a fini de jouer avec son copain et rentre à la maison. Il vient se frotter aux mollets de Florent puis commence à descendre quelques marches et s’assied, comme pour l’inviter à le suivre. L’enfant regarde encore une fois autour de lui, les buissons de cassis, les fleurs qui jonchent le sol, puis s’engage dans l’escalier.
- « Florent où es-tu ? » C’est la voix de maman.
- « Je suis là, j’arrive ! »
Il accélère le pas, précédé par le chat qui le guide ; le voilà de nouveau sous le saule. Maman est là-bas sur la terrasse. Il court vers elle.
- « Eh bien, où étais-tu caché ?
- J’étais tout là-haut avec le chat.
- Tu n’as pas eu peur ?
- Non maman, pas trop. Mais faut pas que Simon y aille !
- Et pourquoi ?
- Parce que c’est plein de vieux dangers !
- De quoi ?
- De vieux dangers !
- Mais qu’est-ce que c’est ? »
Florent la regarde l’air apitoyé, hausse les épaules :
« Ben, des vieux dangers tiens ! »
ML 02/2007
Publié le 16/03/2007 à 12:00 par cahierscotentin
2 - Le garçonnet reste un moment dans l’allée sans s’occuper du tracteur ni du ballon qui l’attendent. Il regarde là-haut les feuilles qui frémissent. Il s’avance doucement, curieux.
Arrivé près du rideau, il hésite un instant, écarte prudemment les fins cordages jaunes couverts du vert tendre des feuilles et risque un œil ; il n’y a rien derrière ! Dès que cet obstacle est franchi, il se retrouve sous une sorte de tente fraîche avec au milieu le tronc légèrement penché en guise de mât, et de là il voit à travers ce voilage mouvant ses parents qui prennent tranquillement leur café…
Enhardi par cette découverte, il rejoint l’escalier qui ouvre sur l’inconnu. Il monte doucement les marches et débouche sur une terrasse à l’herbe haute bordée de framboisiers. A gauche, deux pommiers la couvrent de leur ombre, tandis qu’à droite des buissons odorants de cassis entourent un camélia dont les fleurs tombées, rouges à cœur jaune, font au sol un tapis flamboyant. Il avance doucement.
Chaque arbuste représente une possible cachette, le mystère est partout.
Bien que de moins en moins rassuré, il est attiré par un nouvel escalier en partie couvert par un buisson aux feuilles d’argent tout plein de fleurs jaune d’or ; il en monte les trois marches.
Là, grand-père a construit une terrasse en planches où un banc de bois l’invite à s’asseoir. Il s’installe et se retrouve face au saule pleureur. Il a un instant d’inquiétude car il ne voit plus du tout la maison, entièrement masquée par les frondaisons.
Un instant, il songe à redescendre quand arrive le gros chat Guizmo qui s’installe près de lui sur le banc. Florent plonge sa petite main dans l’épaisse fourrure de l’animal qui ronronne, s’attarde un instant sous la caresse puis reprend sa promenade en regardant l’enfant. Ils montent ensemble encore trois marches qui débouchent sur un carré d’herbe tendre où le chat se roule imité par le petit garçon qui lui parle en le caressant.